Intercommunalité : les déferlantes de Biarritz


Franck Martin

Rendez vous annuel de l'intercommunalité, le congrès de l'ADCF ( Association des communautés de France ) a eu lieu cette année à Biarritz.

Mondialement connue pour ses belles vagues, qui font le délice des surfeurs, la cité balnéaire a accueilli plus de 2000 congressistes, élus des communautés de communes ou agglomérations. Sans compter force ministres, parlementaires, hauts fonctionnaires...

L'enjeu de ces débats n'est pas mince : à la veille du discours de François Hollande sur la démocratie locale, de l'examen par le Parlement de lois présentées comme l'acte 3 de la décentralisation, les sujets de controverse sont chaud-bouillants.

Dans le sillage des Etats généraux de la démocratie locale, la délégation de l'agglomération Seine-Eure, forte de 19 participants, a donc mis le cap sur Biarritz pour y faire entendre sa voix, prête à affronter les déferlantes et les remous d'un congrès qui fut particulièrement riche en débats fondateurs pour l'intercommunalité de demain.


Acte 3 ou scène 5 ?

Pour le gouvernement, la phase actuelle serait celle du lever de rideau sur l'acte 3 de la décentralisation. C'est placer bien haut la barre !

L'acte 1, tout le monde le comprend ainsi, a été révolutionnaire : sous l'impulsion de Gaston Deferre, en 1982, conseils généraux et régionaux ont été libérés de la tutelle de l'Etat. L'acte 2 a été la loi ATR de 1992, complétée par les lois Chevènement-Voynet, donnant naissance à l'intercommunalité qui maille aujourd'hui à peu près tout le territoire de la France.
Je crains que la timidité des propositions actuelles, simple toilettage du système existant, ne réponde pas à l'attente des élus intercommunaux.

Les premières annonces de François Hollande

Voici le résumé des propositions du Président de la République, tel que rapporté sur l'excellent site Ondes Moyennes

Lors de la réunion plénière des Etats généraux de la démocratie territoriale, qui s’est déroulée vendredi 5 octobre 2012 à la Sorbonne, François Hollande soulignant que « la République décentralisée est notre bien commun », a présenté les quatre grands principes qui vont orienter la nouvelle étape de décentralisation et dont le projet de loi sera présenté début 2013.

En préambule à son allocution, il a rendu un hommage « appuyé » aux nombreux élus locaux, qui sont, a- t-il estimé bon de rappeler, à 80% bénévoles.

Confiance entre les collectivités et l’Etat et entre les collectivités elles-mêmes

La création d’un Haut conseil des territoires (HCT), qui regroupera toutes les instances existantes (finances locales, normes, transferts de charges) sera le lieu de négociations entre l’Etat et les collectivités locales. Ce HCT sera saisi  sur chaque texte concernant les collectivités locales, qui bénéficieront d’un droit à l’expérimentation élargi et assoupli. Il sera ainsi possible d’envisager un pouvoir d’adaptation locale de la loi au niveau notamment des régions (réglementation régionale).

Revenant sur le sujet des normes, unanimement contestées par les élus locaux lors des Etats généraux, le président de la République, a annoncé un allègement en termes de coûts, de délais et de procédures. Ainsi, aucune norme ne pourra être émise sans l’avis du Comité de concertation et d’évaluation des normes (CCEN), et pour tout nouveau texte prévoyant la création d’une norme, il faudra prévoir la suppression d’une ancienne norme.

Clarté sur les compétences et les financements

Le président de la République a souhaité aller au bout des logiques de blocs de compétences, avec l'objectif de mettre un terme aux doublons. Des transferts sont ainsi programmés de l’Etat vers les régions pour ce qui concerne la formation, les politiques de l’emploi, les politiques d’aide et de soutien aux PME.
Avec la création de la Banque publique d’investissements (BPI),  le Chef de l’Etat a souligné qu’un instrument nouveau va venir soutenir la dynamique économique régionale, les régions devenant guichet unique. Il a, en outre, confirmé le transfert des fonds structurels européens aux régions.
Des transferts de l’Etat vers les départements sont également prévus pour l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance et vers le bloc local (communes-communautés) pour assurer la transition énergétique.

Cohérence dans la gouvernance locale

Le président de la République a réaffirmé la nécessité du maintien de tous les échelons de l’organisation territoriale, trop souvent selon lui « remis en cause ». « La commune est irremplaçable pour resserrer le lien social, et le département est aujourd’hui sur la sellette. A mes yeux, le problème n’est pas tant le nombre d’échelons, mais la répartition des compétences et la gouvernance des territoires », a t-il affirmé.

Il n’est bien sûr pas question pour François Hollande de revenir ni sur la non-tutelle ni sur la clause générale de compétences, mais de mettre en avant le principe du « chef de file » et de l’étendre à tous les domaines de l’action publique.

Aussi, a-t-il proposé que soit mis en place un pacte de gouvernance territoriale, en particulier pour les pôles urbains métropolitains qui doivent être renforcés en articulation avec les régions,  annonçant qu’un cadre juridique nouveau serait donné aux métropoles.

Démocratie et renforcement du lien civique

François Hollande a rappelé qu’il fallait en finir avec la défiance et que la démocratie avait besoin d’élus locaux exemplaires pour renforcer le pacte républicain.

Il a estimé nécessaire d’apporter par ce nouvel acte de décentralisation, des corrections aux textes en vigueur et a notamment confirmé la nécessité de revenir sur la création du conseiller territorial, annonçant par la même le report d’un an (2015), des élections cantonales et régionales. Les élections municipales, européennes et sénatoriales se tiendront quant à elles bien en 2014, comme le prévoit le calendrier électoral. Entre temps, une consultation sera organisée sur le mode de scrutin pour les cantonales.

Concernant l’intercommunalité, le Chef de l’Etat a confirmé que les conseillers communautaires seraient bien élus lors des élections municipales, par un système de  fléchage.

Un texte de loi sera présenté au printemps 2013 concernant le projet de non cumul de mandats. La question du statut de l’élu sera étroitement liée.
Revenant sur la question des ressources des collectivités locales, François Hollande a réaffirmé la nécessité de renouveler le cadre financier par un pacte quinquennal entre l’Etat et les collectivités. Ce principe sera fixé par le Haut conseil des territoires. « Nous avons besoin de la contribution de tous les acteurs et y compris les collectivités locales pour redresser les comptes publics. Nous devrons adapter la fiscalité locale aux réalités avec un objectif de simplification, et qui soit compatible avec la dynamique des compétences et des dépenses ».

Enfin, il a annoncé  un élargissement de la péréquation horizontale ainsi qu’une aide de l’Etat aux collectivités locales qui ont des difficultés à gérer leurs emprunts toxiques.


Franck Martin