Coopération intercommunale : la loi et le vide


Franck Martin

Ce lundi matin, le préfet et les élus de la CDCI ont validé le schéma départemental de coopération intercommunale prévu par la loi. Vraiment pas de quoi être fier...
C'est trop peu dire que la montagne a accouché d'un souriceau...


J'avoue que cette réunion m'a donné le vertige, le vertige que l'on éprouve à contempler le vide...
Lors de la réunion de présentation du schéma proposé par l'Etat, j'avais dit que la préfète nous proposait un schéma réduit au minimum, au regard des objectifs fixés par la loi portant réforme des collectivités territoriales. Raboté par des sénateurs qui ne visent qu'à caresser leurs électeurs dans le sens du poil, dépouillé de toute ambition par le préfet, que reste-t-il ? Le minimum du minimum, c'est à dire l'infiniment petit, dont la contemplation donne le vertige.
Alors que s'ouvrent d'immenses chantiers ( aménagement de l'axe Seine, ligne nouvelle Paris Normandie, création de pôles métropolitains ) je crains que l'Eure n'arrive pas à l'heure aux grands rendez vous de l'histoire normande.
Un tel immobilisme donne le tournis. Que de temps perdu !

Règle d'or ou bâton de caoutchouc ?

Les sénateurs Bourdin et Maurey ont voulu graver dans le marbre une étrange règle d'or : n'adopter aucun changement qui ne soit approuvé à l'unanimité des communes. Attendre que tout le monde soit d'accord pour changer, c'est garantir le statu quo.
Il faut toujours s'appuyer sur les principes disait Talleyrand, ils finissent toujours par céder...
De fait, un très vif échange entre le sénateur Maurey et le président Legendre à propos de syndicats d'eau a montré que la règle d'or, sous la chaleur des intérêts locaux, pouvait se transformer en bâton de caoutchouc ! Pour le sénateur Maurey, l'approbation d'une majorité de communes devait se doubler de l'approbation de la totalité des syndicats concernés... Une discussion de marchands de tapis dans la plus grande hypocrisie.


Quelle stratégie pour l'Etat

Le schéma aurait pu être fort différent si l'Etat s'était montré stratège.
Si l'Eure a pris beaucoup d'avance il y a dix ans, aux riches heures de l'intercommunalité, c'est parce que l'Etat avait assumé sans défaillir le rôle que lui faisait jouer la loi : donner une impulsion forte en appuyant les projets des acteurs ... actifs de l'intercommunalité de projet, ne pas hésiter à manier la carotte et le bâton, assumer des périmètres incluant des communes réfractaires...Qu'on me pardonne le pléonasme acteurs actifs, mais il a un vrai sens dans l'Eure...

Je n'ai pas voulu couvrir du beau manteau de l'unanimité le corps inerte de l'intercommunalité de projet, assommé par l'immobilisme sénatorial, l'absence de stratégie de l'Etat, le conservatisme des conseillers généraux.
Ma seule satisfaction est d'avoir demandé qu'il soit noté et pris acte des projets de la CASE : pôle métropolitain avec la CREA, création d'un syndicat mixte entre les agglomérations d'Evreux, Louviers et Vernon. Enfin, fusion de l'agglomération Seine Eure et de la communauté Seine Bord.
Aucune de ces propositions n'a seulement été évoquée durant les travaux ( herculéens à n'en pas douter ) de la commission départementale. Faut-il en être fier ? J'y vois le symbole de l'ineptitude de la méthode de travail adoptée. L'intercommunalité de demain se fera... hors de la commission départementale.


Franck Martin